Un dirigeant, qui s’est porté caution d’un emprunt bancaire souscrit par sa société, refuse de rembourser les sommes dues à la banque, sa société étant placée en redressement judiciaire. Pour expliquer ce refus, il explique que son engagement de caution est manifestement disproportionné, ce dont la banque aurait dû se rendre compte…
Fiche de renseignements : une obligation de vérification à la charge de la banque ?
Un dirigeant se porte caution d’un emprunt bancaire souscrit par sa société. 3 ans plus tard, sa société ne peut plus rembourser les échéances du prêt et se retrouve placée en redressement judiciaire. La banque se retourne alors contre le dirigeant pour recouvrer les sommes dues.
A tort, selon le dirigeant : il rappelle que, lors de la signature d’un engagement de caution, un dirigeant doit remplir une fiche de renseignements permettant à la banque de recueillir tous les éléments du patrimoine et des revenus de la caution.
A cette occasion, la banque est tenue de vérifier l’exactitude des informations fournies par la caution lorsque la fiche remise comporte des anomalies apparentes.
Une vérification omise par la banque, alors qu’elle aurait dû le faire, estime le dirigeant. Il explique que la fiche de renseignements qu’il a remplie fait notamment état de plusieurs biens immobiliers qu’il possède en pleine propriété.
Or, il s’agit là d’une indication erronée : les biens immobiliers ne lui appartiennent pas en pleine propriété puisque ces biens appartiennent également pour moitié à sa femme.
Il faut donc, pour apprécier la consistance de son patrimoine, diminuer la valeur des biens immobiliers pour moitié. Et en appliquant cette diminution, il apparaît que son engagement de caution est disproportionné.
Une disproportion dont la banque se serait rendu compte si elle avait respecté son obligation de vérification des informations fournies sur la fiche de renseignements.
« Non » répond la banque : elle n’est tenue par cette obligation de vérification que lorsqu’il existe des anomalies apparentes. Or, l’erreur du dirigeant n’est pas une anomalie apparente : elle rappelle que le dirigeant est marié sous le régime de la séparation de biens. Ce type de régime matrimonial n’empêche pas qu’un membre du couple puisse posséder des biens immobiliers en pleine propriété.
Le dirigeant ne peut donc invoquer la disproportion de l’engagement de caution, selon la banque, et le dirigeant doit rembourser les sommes dues.
Mais le dirigeant persiste : son erreur était bien une anomalie apparente et la banque était tenue de vérifier le contenu de son patrimoine. Ne l’ayant pas fait et parce que son engagement de caution est disproportionné, il ne doit pas rembourser les sommes dues.
Il explique alors que lorsqu’il a fourni la fiche de renseignements à la banque, il a joint un document autorisant expressément son notaire à communiquer à la banque toute information concernant les biens dont il est propriétaire. Or, la banque n’a pas contacté son notaire comme le lui permettait le document remis : si elle l’avait fait, son notaire aurait pu l’informer que les biens immobiliers appartenaient pour moitié à chacun des membres du couple et qu’il y avait une erreur dans la fiche de renseignements. Il s’agit là d’une faute, pour le dirigeant, qui justifie qu’il ne rembourse pas les sommes dues à la banque.
« Non » répond la banque : le document remis ne lui conférait qu’une simple faculté de requérir des informations quant aux biens du dirigeant auprès de son notaire et non une obligation de requérir ces informations.
Dès lors, parce qu’il n’y avait pas d’anomalies apparentes dans la fiche de renseignements, le dirigeant ne peut pas opposer une disproportion de son engagement de caution et doit rembourser les sommes dues. Ce que confirme le juge.
Source : Arrêt de la Cour de cassation, chambre commerciale, du 4 juillet 2018, n° 17-11837