Le bailleur d’un local commercial récupère une partie de ses loyers impayés grâce à une saisie-attribution sur les comptes bancaires de son locataire. Mais ce dernier est mis en liquidation judiciaire peu de temps après et le liquidateur chargé de ce dossier remet en question le timing de cette saisie-attribution, ainsi que sa validité. À tort ou à raison ?
Quand un bailleur ne pouvait ignorer les difficultés de son locataire…
Une société loue un local pour exploiter son fonds de commerce. Malheureusement, parce qu’elle rencontre certaines difficultés financières, elle n’est plus en mesure de payer ses loyers.
Le bailleur, décidé à récupérer les sommes qui lui reviennent, fait alors le nécessaire auprès du juge. Comment ? Grâce à une « saisie-attribution » sur les comptes bancaires de sa locataire. Comme son nom l’indique, cette procédure permet au bailleur de faire saisir directement sur les comptes bancaires de la locataire l’argent dû, ce qui lui permet d’en récupérer une partie.
Cependant, l’activité de la locataire est dans une impasse telle que la société est mise en liquidation judiciaire. Pour rappel, cela signifie que la société est en état de cessation de paiement, c’est-à-dire que son actif disponible est insuffisant pour payer ses dettes, mais également que sa situation est irrémédiablement compromise.
Autrement dit, la société ne peut ni payer ses dettes ni être sauvée.
Et cela n’est pas sans conséquence pour le bailleur. Pourquoi ? Parce que la saisie-attribution dont il a bénéficié est intervenue pendant la « période suspecte ».
La période suspecte correspond au temps écoulé entre la date de cessation des paiements et l’ouverture de la liquidation judiciaire. Le liquidateur nommé peut alors demander au juge d’annuler une opération qui a eu lieu pendant cette période, parce que contraire à l’intérêt collectif des créanciers et / ou de la société.
C’est pourquoi dans cette affaire, le liquidateur judiciaire réclame la nullité de la saisie-attribution faite par le bailleur.
« Non ! », conteste ce dernier, qui rappelle qu’une saisie-attribution pendant la période suspecte ne peut être annulée que si le créancier avait connaissance de l’état de cessation des paiements de son débiteur. Ce qui n’est pas le cas ici ! Ce n’est pas parce que son locataire avait des impayés qu’il pouvait en tirer une telle conclusion…
« Au contraire ! », rétorque le liquidateur judiciaire. Entre les impayés ponctuels, puis systématiques depuis 11 mois, aboutissant à une dette de plus de 400 000 €, il était difficile de ne pas se douter que le locataire rencontrait « quelques » difficultés…
« Tout à fait ! », tranche le juge : la situation faisait bien ressortir la durée et l’ampleur des difficultés de la société.
Par conséquent, la saisie-attribution intervenue pendant la période suspecte est annulée : l’argent doit être restitué au liquidateur et le bailleur devra attendre son tour pour être payé, comme tous les autres créanciers…