Les ordonnances Macron ont profondément modifié notre Code du Travail. Ces ordonnances viennent d’être entérinées par une nouvelle Loi qui apporte tout de même quelques modifications, notamment en matière de relations individuelles du travail. En voici un panorama…
Télétravail : un recours (encore) simplifié ?
Depuis le 24 septembre 2017, le télétravail régulier ne pouvait être mis en place que dans le cadre d’un accord collectif le prévoyant ou dans le cadre d’une charte. Mais, depuis le 1er avril 2018, le recours au télétravail régulier peut être mis en place par accord entre l’employeur et le salarié, formalisé par tout moyen.
L’employeur n’est pas obligé de répondre favorablement à la demande du salarié. En cas de refus, en dehors des cas où le télétravail est prévu par un accord collectif ou par une charte, l’employeur n’a pas à motiver sa réponse.
Par ailleurs, si le recours au télétravail est autorisé par un accord collectif ou une charte, cet accord ou cette charte doit préciser un certain nombre d’éléments, notamment les conditions de passage en télétravail et, depuis le 1er avril 2018, en particulier en cas de pic de pollution.
Santé au travail : des nouveautés ?
- Visite médicale de fin de carrière
Tout travailleur affecté à un emploi présentant des risques pour sa santé, celle de ses collègues ou celle des tiers, bénéficie d’un suivi individuel renforcé. A l’embauche, il continue de bénéficier d’un examen médical et n’effectue pas seulement une visite d’information.
Désormais, il est également prévu qu’il bénéficie d’un examen médical avant son départ en retraite, afin d’établir une traçabilité et un état des lieux des expositions à un ou plusieurs facteurs de risques.
Si le médecin du travail constate une exposition à certains facteurs de risques dangereux, telle que l’exposition aux agents chimiques, aux poussières et fumées, il peut mettre en place un suivi post-professionnel avec le médecin traitant du salarié.
Nous sommes, cependant, en attente d’un Décret qui viendrait préciser les modalités d’application de ces nouvelles dispositions.
- Contestation des avis du médecin du travail
Lorsque l’employeur ou le salarié conteste un avis du médecin du travail, il doit saisir le Conseil de Prud’hommes. Le médecin du travail doit être informé de cette contestation.
La Loi précise désormais qu’il revient à l’employeur d’en informer le médecin du travail.
Par ailleurs, les frais d’expertise et honoraires d’instruction engendrés par cette contestation étaient, jusqu’alors, pris en charge par la partie perdante au procès, sauf si le Conseil de Prud’hommes en décidait autrement. Il devait alors motiver sa décision.
Désormais, depuis le 1er avril 2018, le Conseil de Prud’hommes peut décider de ne pas mettre tout ou partie des frais à la charge du perdant, dès lors que l’action n’est ni dilatoire, ni abusive. Sa décision doit, néanmoins, être motivée.
Prêt de main d’œuvre : pour qui ?
Depuis le 1er janvier 2018, les entreprises ou groupes qui emploient au moins 5 000 salariés peuvent mettre à disposition des collaborateurs, pour une durée de 2 ans maximum, à une jeune entreprise de moins de 8 ans d’existence ou à une PME de 250 salariés au maximum. L’objectif de cette mise à disposition vise à permettre à cette petite/jeune entreprise d’améliorer la qualification de sa main d’œuvre, de favoriser les transitions professionnelles ou de constituer un partenariat d’affaires ou d’intérêt commun.
Depuis le 1er avril 2018, les mêmes entreprises peuvent également mettre des salariés à disposition de fondations ou d’associations dépourvues de but lucratif et œuvrant pour l’intérêt général. Plus exactement… Voici la liste exhaustive des organismes éligibles à ce dispositif :
- œuvres ou organismes d’intérêt général ayant un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique, à la défense de l’environnement naturel ou à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises ;
- fondation universitaire, fondation partenariale, fondation d’entreprise, projets de thèse proposés au mécénat de doctorat par les écoles doctorales ;
- fondations ou associations reconnues d’utilité publique ;
- musées de France ;
- associations cultuelles ou de bienfaisance et établissements publics des cultes reconnus d’Alsace-Moselle ;
- établissements d’enseignement supérieur ou d’enseignement artistique publics ou privés, d’intérêt général, à but non lucratif ;
- sociétés ou organismes de recherche scientifique et technique, publics ou privés, agréés ;
- organismes publics ou privés, dont la gestion est désintéressée et qui ont pour activité principale la présentation au public d’œuvres dramatiques, lyriques, musicales, chorégraphiques, cinématographiques et de cirque ou l’organisation d’expositions d’art contemporain, à la condition que les versements soient affectés à cette activité ;
- Fondation du patrimoine ou d’une fondation ou une association qui affecte irrévocablement ces versements à la Fondation du patrimoine ;
- organismes de sauvegarde du patrimoine culturel d’intérêt mondial ;
- fonds de dotation dont la gestion est désintéressée et qui, soit constituent eux-mêmes un organisme éligible, soit reversent à un tel organisme les revenus tirés des versements reçus ;
- organismes agréés dont l’objet exclusif est de verser des aides financières permettant la réalisation d’investissements ou de fournir des prestations d’accompagnement à des petites et moyennes entreprises (de tels organismes qui accompagnent des associations pour leur fournir des prestations d’accompagnement ne sont pas éligibles à l’avantage fiscal) ;
- sociétés, dont l’Etat est l’actionnaire unique, qui ont pour activité la représentation de la France aux expositions universelles ;
- sociétés nationales de programme pour le financement de programmes audiovisuels culturels.
Notez que les prêts de main-d’œuvre n’ont pas de but lucratif même si le montant facturé par l’entreprise prêteuse à l’entreprise utilisatrice est inférieur aux salaires, charges sociales et frais professionnels afférents à l’emploi du salarié mis à disposition. Depuis le 1er avril 2018, il est même possible de mettre gratuitement le salarié à disposition de l’entreprise utilisatrice.
Cette possibilité n’est toutefois pas offerte aux entreprises appartenant au même groupe.
CDI de chantier : une nouvelle protection pour le salarié ?
Le CDI de chantier (ou d’opération) peut être conclu par une entreprise relevant d’un accord de branche étendu qui l’autorise ou d’un secteur d’activité où il était d’usage d’y recourir avant le 1er janvier 2017. Il ne se limite donc pas au secteur du Bâtiment auquel il est pourtant si souvent assimilé.
Si l’accord de branche étendu le prévoit, le salarié licencié à la fin de son CDI de chantier bénéficie d’une priorité de réembauche, dans le délai et selon les modalités fixées par l’accord. Cela signifie que les salariés embauchés en CDI de chantier dans un secteur non couvert par un accord de branche mais dans lequel il est d’usage de recourir à ce type de contrat ne peuvent pas prétendre à cette priorité de réembauche.
CDD saisonnier : une reconduction systématique ?
Actuellement, dans 17 branches d’activités (notamment dans le secteur de l’hôtellerie, des jardineries, etc.), tout salarié embauché dans le cadre d’un CDD saisonnier bénéficie d’un droit à la reconduction sous certaines conditions prévues par la Loi.
Cependant, depuis le 1er avril 2018, les accords collectifs (de branche ou d’entreprise) peuvent prévoir des dispositions différentes de celles de la Loi. Dans ce cas, ce sont ces accords collectifs qui priment sur la Loi.
Des apprentis à l’étranger ?
Depuis le 1er avril 2018, le contrat d’apprentissage peut être exécuté en partie à l’étranger pour une durée déterminée qui ne peut pas excéder un an.
Lorsque cette mobilité est exercée dans un autre Etat membre de l’Union européenne, c’est l’entreprise ou le centre de formation du pays d’accueil qui est seul(e) responsable des conditions d’exécution du travail de l’apprenti selon les règles applicables dans le pays d’accueil, notamment en matière de durée du travail ou de rémunération.
Des ressortissants d’un autre Etat membre de l’Union européenne peuvent effectuer leur apprentissage en France. Dans ce cas, ils restent soumis à certaines règles de leur pays d’origine, notamment en ce qui concerne la durée du contrat d’apprentissage ou la durée de formation en apprentissage.
Source : Loi n° 2018-217 du 29 mars 2018 ratifiant diverses ordonnances prises sur le fondement de la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social, articles 11, 13, 22 et 23