A l’expiration d’un bail dérogatoire portant sur un local utilisé par un hôtelier pour son activité, un nouveau bail commercial est-il automatiquement mis en place si le bailleur ne réagit pas ? Oui, pour l’hôtelier, non pour le bailleur. Et pour le juge ?
Fin du bail dérogatoire = bail commercial ?
Un hôtelier signe un bail commercial avec un bailleur portant sur l’immeuble qui exploite à titre d’hôtel. Mais un local, situé au rez-de-chaussée, n’est pas compris dans le périmètre de ce bail commercial : il s’agit d’un local affecté à l’activité de salon de thé, exercé par une société tierce. Pour ce local, le bailleur a conclu avec cette dernière un bail dérogatoire.
Plus tard, à l’expiration de ce bail dérogatoire, un nouveau bail dérogatoire est signé, avec l’hôtelier cette fois-ci. Ce dernier peut donc affecter l’immeuble en son entier à son activité hôtelière.
Mais des difficultés font qu’un administrateur judiciaire est nommé pour aider l’hôtelier. Cet administrateur informe le bailleur que l’hôtelier n’entend pas poursuivre l’exécution du bail dérogatoire. Pourtant, à l’expiration du bail dérogatoire, l’hôtelier continue à exploiter le local en question.
Quelques années plus tard, l’hôtelier cède son bail commercial. A cette occasion, le bailleur réclame des indemnités d’occupation à l’hôtelier pour avoir occupé le local qui avait fait l’objet d’un bail dérogatoire non prolongé…
… à tort, selon l’hôtelier, qui estime au contraire, qu’il occupe le local en vertu d’un bail commercial ! Il rappelle alors que, malgré la lettre de l’administrateur informant le bailleur qu’il n’entendait pas poursuivre l’exécution du bail dérogatoire, cette exécution, en pratique, avait été poursuivie.
Or, à l’issue d’un bail dérogatoire, si le locataire et le bailleur ne font rien et dès la fin d’un délai d’un mois après l’expiration du bail dérogatoire, un bail commercial de 9 ans débute, soumis au statut des baux commerciaux.
L’hôtelier estime que c’est ce qui s’est passé ici : étant demeuré dans le local au-delà du terme fixé par le bail dérogatoire, un nouveau bail régi par le statut des baux commerciaux a vu le jour. Il n’était donc pas un occupant sans droit ni titre du local et n’a pas à verser une indemnité d’occupation. Ce que confirme le juge.
Source : Arrêt de la Cour de cassation, 3ème chambre civile, du 31 mai 2018, n° 17-16944