Lorsqu’un colocataire quitte le logement loué, le bailleur peut-il, par la suite, si le colocataire restant ne paye plus le loyer, se retourner contre le colocataire qui est parti ? Faisons le point sur cette question à la lumière d’un litige que les juges ont eu récemment à connaître…
Solidarité entre colocataires : attention aux dates !
Pour mémoire, la réglementation en matière de solidarité entre les colocataires est la suivante.
Pour tout bail signé depuis le 27 mars 2014, lorsque le bail contient une clause de solidarité pour le paiement des loyers et charges, la solidarité du colocataire qui donne congé prend fin :
- à l’issue de la période de préavis dès qu’un nouveau locataire le remplace au sein du contrat de location ;
- ou, à défaut de remplaçant, au bout de 6 mois après la fin de la période de préavis.
Cette même règle vaut pour un bail conclu avant le 27 mars 2014, s’il a été renouvelé ou tacitement reconduit après le 8 août 2015.
Par contre, lorsque le bail a été conclu avant le 27 mars 2014 et qu’il n’a pas été renouvelé ou tacitement reconduit depuis ou qu’il a été renouvelé ou tacitement reconduit avant le 8 août 2015, si le bail contient une clause de solidarité pour le paiement des loyers et charges, la solidarité du colocataire qui donne congé prend fin à l’échéance du bail en cours, sauf si le bailleur donne son accord pour le désolidariser et/ou le remplacer sur le bail par un nouvel occupant.
Cette règle de solidarité entre colocataires qui varie selon la date de conclusion et/ou de renouvellement du bail a été récemment illustrée par un litige qu’on eut à connaître les juges.
2 personnes vivaient en colocation, aux termes d’un bail conclu en 2007. En juin 2009, l’un des colocataires quitte la maison louée et donne son congé au bailleur par lettre recommandée avec avis de réception.
Mais, en juin 2010, le bailleur, parce que le locataire restant ne paye plus son loyer, se retourne contre le locataire qui est parti, en se prévalant de la clause de solidarité inscrite au bail.
A tort, selon la locataire qui rappelle qu’elle a donné son congé et a quitté la maison depuis 1 an déjà.
« Et alors ? » répond le bailleur : aux termes du bail signé, les colocataires sont tenus solidairement du paiement des loyers et tout congé ne peut être valablement donné que simultanément. Dès lors, le colocataire a renoncé au droit de rompre seul le contrat et est tenu solidairement au paiement des loyers. Ce que confirme le juge.
Le juge va ensuite constater la résolution du bail pour loyers impayés. Pour l’occupation postérieure de la maison à cette date, le bailleur va réclamer le paiement d’une indemnité d’occupation aux 2 colocataires, estimant que tout comme le loyer, les colocataires sont tenus de payer solidairement l’indemnité d’occupation.
A tort, cette fois-ci, pour le juge : aucune clause du bail ne prévoit que les colocataires sont tenus solidairement de payer une indemnité d’occupation à compter de la résiliation du bail. Dès lors, seul le locataire qui occupe encore la maison est tenu au paiement de l’indemnité d’occupation.
Source : Arrêt de la Cour de cassation, 3ème chambre civile, du 14 juin 2018, n° 17-14365