La Loi relative à la lutte contre la fraude, publiée le 24 octobre 2018, est venue renforcer la répression en matière de fraude fiscale, délit douanier et de fraude aux prestations sociales. Nous vous proposons un tour d’horizon de ces nouvelles « peines »…
Lutte contre la fraude : affichage obligatoire des condamnations en matière pénale
Le délit de fraude fiscal expose son auteur non seulement à des sanctions administratives, mais aussi à des sanctions pénales. Jusqu’à présent, l’auteur de ce type de délit pouvait être condamné au paiement d’une amende et/ou à l’exécution d’une peine d’emprisonnement. Le juge disposait aussi de la possibilité, à titre de peine complémentaire, d’ordonner l’affichage ou la diffusion de la condamnation.
Depuis le 25 octobre 2018, le juge pénal n’a plus cette liberté de choix. Dès lors qu’une condamnation pénale pour fraude fiscale (punie d’une peine d’emprisonnement de 5 ans et/ou d’une amende de 500 000 €) aura été rendue, il devra ordonner l’affichage ou la diffusion de cette condamnation.
Notez toutefois que par une décision spécialement motivée prenant en considération les circonstances de l’infraction et la personnalité du contrevenant, le juge conserve la possibilité de ne pas ordonner la diffusion ou l’affichage de la condamnation.
A toutes fins utiles, retenez que cette obligation faite au juge pénal d’ordonner la diffusion ou l’affichage d’une condamnation s’applique aussi en matière de délit douanier, lorsqu’il est question d’un manquement à la législation ou à la réglementation des relations financières.
Là encore, le juge conserve la possibilité de ne pas ordonner cette diffusion (ou cet affichage) par décision spécialement motivée.
Lutte contre la fraude : publication sur le site de l’administration fiscale de certaines sanctions
Les personnes morales (entreprises, sociétés, associations, groupements divers, etc.) qui sont reconnues coupables de manquements graves ayant entraîné une fraude fiscale caractérisée par un montant de droits fraudés supérieur à 50 000 € pourront voir leur condamnation faire l’objet d’une publication sur le site Internet de l’administration.
Attention, cette publication n’est pas possible si l’administration a déposé une plainte pénale pour fraude fiscale.
La publication, effectuée sur le site de l’administration fiscale pour une durée d’1 an maximum, mentionne les éléments suivants :
- la nature et le montant des droits fraudés ;
- les amendes et majorations appliquées ;
- la dénomination de la personne reconnue coupable, son activité professionnelle et le lieu d’exercice de cette activité.
La décision de publication est prise directement par l’administration fiscale, après avis conforme et motivé de la commission des infractions fiscales qui, dans cette situation, est chargée d’apprécier si, au vu des manquements et des circonstances dans lesquelles ils ont été commis, la publication est justifiée.
Notez qu’une copie de la saisine de la commission est transmise au contrevenant qui est invité à présenter ses observations dans un délai de 30 jours.
Une fois la décision de publication prise, cette dernière ne peut pas être effective avant l’expiration d’un délai de 60 jours, décompté à partir de la notification de cette décision au contrevenant.
En cas de recours contre les majorations et amendes appliquées déposées dans ce même délai de 60 jours, la publication est suspendue jusqu’à ce que les sanctions deviennent définitives. En revanche, si le recours est déposé après l’expiration de ce délai de 60 jours, l’administration devra retirer la publication de son site Internet jusqu’à l’intervention d’une décision juridictionnelle confirmant le bienfondé de la publication.
Dans l’hypothèse où serait rendue une décision de justice revenant sur les impositions, amendes ou majorations ayant fait l’objet d’une publication, l’administration sera tenue de publier cette décision de justice sur son site Internet.
Pour le moment, ce dispositif n’est pas applicable. Il est soumis à l’adoption d’un décret non encore paru à ce jour. A suivre…
Lutte contre la fraude : renforcement des sanctions pénales en matière de fraude fiscale
Jusqu’à présent, les personnes s’étant frauduleusement soustraites (ou ayant tenté de se soustraire) au paiement de l’impôt en ayant omis de faire leur déclaration dans les délais impartis, en ayant dissimulé une partie des sommes imposables, en ayant organisé leur insolvabilité, en ayant agi de manière frauduleuse ou en ayant fait obstacle de quelque façon que ce soit au recouvrement de l’impôt, s’exposait à une amende de 500 000 € et à une peine d’emprisonnement de 5 ans.
Ces peines pouvaient être portées à 3 000 000 € d’amende et à 7 ans d’emprisonnement lorsque les faits reprochés ont été commis en bande organisé, ou au moyen :
- soit de comptes ouverts ou de contrats souscrits auprès d’organismes établis à l’étranger ;
- soit de l’interposition de personnes physiques ou morales ou de tout organisme, fiducie ou institution comparable établis à l’étranger ;
- soit de l’usage d’une fausse identité ou de faux documents, ou de toute autre falsification ;
- soit d’une domiciliation fiscale fictive ou artificielle à l’étranger ;
- soit d’un acte fictif ou artificiel ou de l’interposition d’une entité fictive ou artificielle.
Depuis le 25 octobre 2018, les peines sont fixées à 5 ans d’emprisonnement et à 500 000 € d’amende, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l’infraction.
Les peines majorées, quant à elles, sont portées à 7 d’emprisonnement et à 3 000 000 €, dont le montant peut être fixé au double du produit tiré de l’infraction.
Lutte contre la fraude : création d’une amende à l’encontre des professionnels du droit et du chiffre
Pour certains manquements limitativement énumérés (activité occulte, abus de droit, manœuvres frauduleuses, découverte d’avoirs étrangers non déclarés), lorsque l’administration fiscale a prononcé à l’encontre du contribuable une majoration de 80 %, toute personne qui, grâce à la prestation fournie dans le cadre de son activité professionnelle de conseiller juridique, financier, comptable ou de gestionnaire de biens ou de fonds pour le compte de tiers, a intentionnellement permis la commission de ces manquements est, depuis le 25 octobre 2018, redevable d’une amende.
Les « prestations » fournies pas le professionnel et pouvant le rendre passible de l’amende consistent à :
- permettre au contribuable de dissimuler son identité par la fourniture d’une identité fictive ou d’un prête-nom ou par l’interposition d’une personne physique ou morale ou de tout organisme, fiducie ou institution comparable établis à l’étranger ;
- permettre au contribuable de dissimuler sa situation ou son activité par un acte fictif ou comportant des mentions fictives ou par l’interposition d’une entité fictive ;
- permettre au contribuable de bénéficier à tort d’une déduction du revenu, d’un crédit d’impôt, d’une réduction d’impôt ou d’une exonération d’impôt par la délivrance irrégulière de documents ;
- ou réaliser pour le compte du contribuable tout acte destiné à égarer l’administration.
L’amende est égale à 50 % des revenus tirés de la prestation fournie, son montant ne pouvant être inférieur à 10 000 €.
Le professionnel bénéficie des mêmes délais et voies de recours pour contester cette amende, que ceux dont bénéficient son client pour contester les manquements qui lui sont reprochés.
Notez que lorsque le contribuable bénéficie d’un dégrèvement ou d’une décharge de majoration (c’est-à-dire quand l’administration accepte réduire ou d’annuler la majoration de 80 %), l’amende prononcée contre le professionnel du droit et du chiffre fait elle aussi l’objet d’un dégrèvement ou d’une décharge.
Attention, cette amende n’est pas applicable lorsque le professionnel fait l’objet de poursuites pénales pour complicité de fraude fiscale.
En plus de cette amende réprimant la participation du professionnel à la commission d’une fraude fiscale, la Loi relative à la lutte contre la fraude a créé, depuis le 25 octobre 2018, une amende destinée à sanctionner les professionnels qui incitent leurs clients à commettre un « abus de droit social » (entendu ici dans le sens d’une fraude aux prestations sociales).
L’amende est du même montant que l’amende fiscale et vise à sanctionner les professionnels du chiffre et du droit qui, dans le cadre de leur activité, ont intentionnellement fourni à un cotisant une prestation ayant conduit à la commission ou à la dissimulation d’un abus de droit social.
S’il souhaite prononcer cette amende, le directeur de l’organisme de recouvrement ou de la mutualité sociale agricole notifie les faits reprochés et le montant de l’amende qu’il envisage d’appliquer au professionnel afin que ce dernier puisse présenter ses observations. Après avoir répondu aux observations, le directeur prononce, le cas échéant, la pénalité et la notifie à l’intéressé en lui faisant part des voies et délais de recours.
Comme en matière fiscale, lorsque le cotisant bénéficie d’un dégrèvement ou d’une décharge des rectifications qui lui sont réclamées, l’amende prononcée contre le professionnel du droit et du chiffre fait elle aussi l’objet d’un dégrèvement ou d’une décharge.
Lutte contre la fraude : renforcement de certaines sanctions douanières
Depuis le 25 octobre 2018, la Loi relative à la lutte contre la fraude est venue renforcer certaines sanctions applicables en matière douanière.
Dorénavant, seront passibles d’une amende 3 700 € (au lieu d’une amende de 90 à 450 €) :
- les injures, maltraitances, troubles dans l’exercice des fonctions des agents des services douaniers et les refus de coopérer ;
- tout refus de communication des documents et renseignements demandés par les agents des douanes dans l’exercice de leur droit de communication général ou tout comportement faisant obstacle à la communication. Cette amende s’applique par demande, dès lors que tout ou partie des documents ou renseignements sollicités ne sont pas communiqués. Une amende de même montant est applicable en cas d’absence de tenue de ces documents ou de leur destruction avant les délais prescrits.
- toute infraction portant sur les faits suivants : défaut de remise d’une copie de son manifeste par un capitaine de navire, non présentation de son journal de bord par un capitaine de navire, usurpation de la qualité de commissionnaire en douane, défaut de présentation du manifeste, des connaissements et des expéditions de douane.
Notez qu’indépendamment de l’amende encourue pour refus de communication des documents et renseignements demandés par les agents des douanes dans l’exercice de leur droit de communication général, les contrevenants pourront être condamnés à produire les documents réclamés sous astreinte de 150 € par jour de retard (au lieu de l’astreinte d’1,50 € applicable jusqu’à présent).
De même, depuis le 25 octobre 2018, la peine d’emprisonnement encourue par les personnes ayant par exportation, importation, transfert ou compensation, procédé ou tenté de procéder à une opération financière entre la France et l’étranger portant sur des fonds qu’ils savaient provenir, directement ou indirectement, d’un délit douanier ou d’une infraction à la législation sur les substances ou plantes vénéneuses classées comme stupéfiants est portée à 10 ans (au lieu de 2 ans).
Source : Loi n°2018-898 du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude (articles 5, 16, 17, 18, 19, 23 et 26)